Par votre dévoué Stefano Salvianni, Sibyllin de Florence :
Le dix-huitième jour de novembre de l’an de grâce 1499, vos âmes éprises d’aventure convergèrent en une unissonnance éblouissante, vers le Bastion du Belvédère, érigé au sein de l’illustre Florence. Malgré vos départs échelonnés de lieux divers, les caravanes disparates parvinrent à leur destination au matin d’un même jour, laissant transparaître la prodigieuse sagacité de vos hôtes en matière de routes et de chemins.
À cet éminent lieu, vous fûtes gracieusement accueillis par le vénérable Sir Edwald du Faucon, le souverain de ce bastion majestueux. Cet homme, au cœur brûlant de chaleur humaine et arborant un sourire enjôleur, se présenta devant chacun d’entre vous, faisant résonner les mots bienvenus à vos oreilles étonnées. Il vous informa avec une générosité incommensurable, que, en qualité de Marcheurs, le Bastion s’ouvrait grand à vous, offrant l’hospitalité pour le temps de votre séjour. Votre gîte avait déjà été réglé, une générosité insigne de la noble lignée des Médicis, qui couvrait vos frais jusqu’à la nouvelle année. Quant à vos pitances, l’auberge ouvrait ses portes, vos repas avaient aussi été pourvus de manière opulente.
Sous son égide bienveillante, vous fûtes guidés vers des chambres simples, toutefois imprégnées de propreté et de confort, où les emblèmes des Templiers ornaient les murs. À l’exception de ces symboles, nulle manifestation religieuse ne s’y laissait entrevoir.
Installés dans ces modestes sanctuaires, une annonce solennelle retentit, vous conviant à un festin de bienvenue qui se dressait en votre honneur. La simplicité de ce banquet n’égalait en rien sa splendeur gustative.
À l’issue de ce repas succulent, un homme, s’avançant au centre de la salle, demanda la parole. Il s’agissait là d’un prêtre, guide spirituel en ces terres de marche. Ses mots, empreints de sagesse, s’élevèrent dans le silence qui se fit, annonçant la bénédiction de votre arrivée. Il vous conviait, avec une chaleur sincère, à la messe de la soirée, assurant que celle-ci, comme toujours dans les marches, se distinguait par son caractère moins orthodoxe qu’ailleurs, étant davantage un moment de partage d’idées et d’idéaux. Vous étiez tous, sans distinction, les bienvenus à cette célébration.
Il se retira ensuite vers le salon privé du capitaine, laissant place à la suite des événements. Vous apprîtes que les chefs des diverses factions s’étaient également réunis ce jour, quelques instants après votre arrivée, en compagnie de leur hiérarchie respective. Leur présence avait pour but de se présenter aux anciens de la Kumpania, ceux-ci ayant le pouvoir de les accepter ou de les décliner.
À plusieurs reprises, les serveurs vous rappelèrent avec une affabilité sans égale la nécessité de converser en français, la langue de la Marche, universelle et incontournable. L’usage d’une autre langue était perçu comme une offense, une tentative de marginalisation, voire pire encore, une tentative de dissimulation. Cette tradition, d’une évidence cristalline pour les Marcheurs, vous fut exposée de manière explicite.
L’atmosphère au sein de l’auberge était des plus cordiales. Cependant, vers la fin de la soirée, trois hommes pénétrèrent en son sein, et leur simple présence suffit à envelopper l’établissement de solennité. Les serveuses entreprirent de nettoyer le bar, déjà immaculé, et de ranger les tables, tandis que des murmures s’élevaient ici et là, évoquant le nom « Médicis ».
Vous comprîtes instantanément l’identité de ces prestigieux visiteurs. Parmi les trois, trônait Laurent le Magnifique, flanqué de Cosme l’Ancien à sa droite et de Nicola Machiavel à sa gauche. Leurs habits, dépourvus d’ostentation, avaient échappé à votre premier regard. Les trois compères se sourirent en observant la réaction suscitée dans l’auberge, mais ils réagirent promptement lorsque certaines tables se levèrent en signe de respect. Ils rappelèrent alors que « Florence est une république », bien que certains Florentins portèrent la main à leur cœur et inclinèrent la tête en signe de reconnaissance.
Laurent, d’une voix simple, adressa un bonjour général, tandis que Nicola arpenta amicalement chaque table sur son chemin pour saluer les convives. Cosme, quant à lui, échangea des regards chaleureux avec tous ceux qu’il croisa. Ils se dirigèrent vers le salon privé du capitaine, qui les accueillit tout en se positionnant sur leur chemin, leur signifiant un message discret à l’oreille de Laurent. Après un bref échange, Laurent acquiesça et déclara : « Cela me paraît justifié. » Puis, se retournant vers vous, il annonça : « À boire pour tous! » et invita ses amis à une table.
L’auberge s’anima soudainement, les boissons coulèrent à flots, car vous comprîtes rapidement que, lorsque Laurent de Médicis parlait d’offrir à boire pour tous, il n’était pas question d’une simple tournée, mais bien de toute la soirée.
Si les Médicis ne vinrent pas à vous, ils n’écartèrent nullement les plus intrépides qui osèrent s’approcher pour converser. Bien au contraire, ils les invitèrent à les rejoindre et se prêtèrent volontiers à des discussions sur les affaires, les marchés, l’art et la philosophie. Cependant, dès que la conversation se tournait vers eux, ils déviaient habilement le sujet, avec une aisance déconcertante.
Finalement, les Médicis regagnèrent Florence, laissant place à des discussions animées sur leur passage. Certaines tables s’enflammèrent, en particulier deux tables de Florentins, les uns encensant les mérites de la famille Médicis, les autres échos en faveur des Albizzi.
Alors que les couteaux semblaient prêts à jaillir, Sir Edwald se leva, incitant tous à ranger leurs armes. Ainsi prit fin la soirée, l’aubergiste expulsant finalement tous les convives, votre serviteur compris.
Certains diront que je n’aurais point publié cette nouvelle si le Magnifique ne s’était pas présenté, mais à n’en point paraître votre présence, votre retenue n’est pas restée méconnue à ma perception et, malgré ces volutes de modérations, une aura… ou est-ce une ombre ?… semble vous entourer mais, pour ce gracieux instant, ce n’est ni l’un ni l’autre mais bien le voile mystérieux de l’inconnu.
Votre humble serviteur,
Stefano