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Le départ de Florence, berceau des Médicis et théâtre d’innombrables intrigues, fut marqué par un tumulte dont l’écho semblait refuser de s’éteindre. Cette cité, à la fois éclatante et perfide, laissait derrière elle des cœurs alourdis, des esprits enfiévrés et des corps meurtris.

Les aventuriers, encore étourdis par les combats éprouvants de la nuit précédente, émergèrent sous un ciel hivernal lourd et gris, comme un voile pesant sur une journée qui aurait dû être festive. Là où Noël pour les chrétiens et Yule pour les païens auraient dû célébrer la lumière renaissante, seules la clameur des affrontements et l’odeur du sang semblaient avoir marqué la nuit.

Les événements avaient pris une tournure dramatique lorsque la Main Rouge, en force, avait tenté d’appréhender les Médicis, semant le chaos dans le fortin. Mais ce n’était là que le prélude à une horreur bien plus grande : des créatures impies, servantes de Sans Nom, avaient déferlé sur le Belvédère. Dans une lutte acharnée, aventuriers et Templiers avaient uni leurs forces pour repousser ces abominations, venant à bout d’une chimère cauchemardesque au prix d’un épuisement collectif.

Alors que l’aube peinait à percer les brumes, Ubaldo, l’aîné des marchands, montait la garde sur la terrasse du Belvédère. Les traits tirés par l’anxiété, il scrutait l’horizon, espérant voir apparaître la longue procession des marchands florentins, ces partenaires cruciaux pour la survie de la jeune Kumpania. Mais les heures passaient, et l’espoir faisait place à l’amère désillusion. Vers dix heures, Agripinna Farina le rejoignit, portante de nouvelles peu encourageantes. Le regard grave, elle lui annonça ce que chacun redoutait : refroidis par l’attaque subie par les Médicis et les rumeurs enflant autour de la Kumpania, les marchands florentins préféraient garder leurs distances pour l’instant. Quelques rares partenaires, convaincus par la ténacité d’Agripinna, avaient accepté de traiter, mais leurs maigres cargaisons ne suffiraient pas à remplir les chariots.

Pendant ce temps, plusieurs alchimistes, épaulés par les Templiers, travaillaient sans relâche à l’élaboration d’un fongicide capable d’éradiquer le mycélium noir. Ce parasite maléfique, fruit de la corruption nécromantique, menaçait encore les terres alentours. Mais le temps leur manquait : incapables de mener la tâche à bien avant le départ, ils confièrent à maître Di Falcon et ses hommes la mission de purifier les lieux après leur départ.

Cependant, la matinée réservait encore des épreuves. La Main Rouge, humiliée par ses échecs de la veille, se livra à une série d’arrestations arbitraires. Ce qui avait commencé discrètement dégénéra rapidement : en quelques heures, une grande partie des aventuriers fut capturée, laissant les autres dans l’angoisse et l’incertitude.

C’est grâce à l’intervention décisive du chevalier Némésio Riccardi, ancien membre de la Main Rouge ayant rejoint la cause de la Kumpania, que la situation fut débloquée. Avec l’appui des Médicis, il obtint la libération des prisonniers dans la soirée, accompagnée d’excuses officielles de la ville. Mais la tension restait palpable, et le sentiment d’être indésirables à Florence s’imposait désormais comme une évidence.

Face à cette situation critique, Andreas convoqua un conseil des anciens. Les calomnies et les soupçons, toujours vivaces, avaient rendu la ville dangereuse. La décision fut prise de quitter Florence pour Venise, malgré les faibles accords commerciaux obtenus en dernière minute.

Dans l’effervescence des préparatifs, l’aurige annonça la répartition des rôles pour ce premier voyage. Giusappé Fabrizio Luca Santini Tédèsci, dit Gigi, fut nommé maître de guet, chargé de la sécurité du convoi en collaboration avec les veilleurs et les hommes de Lucia d’Este. Don Salluste, quant à lui, fut désigné maître argentier, responsable des coffres et de la logistique en l’absence d’Ubaldo. Enfin, Elyas Galban reçut la charge de Docte, garant de la santé et du bien-être des membres de la caravane. Faute de consensus, le poste prestigieux d’Excellence demeura vacant pour ce périple.

La nuit, glaciale et silencieuse, s’étendit sur un fortin où les derniers préparatifs se concluaient dans une atmosphère tendue. À l’aube, les chariots quitteraient le Belvédère pour s’engager sur des routes secondaires. Bien que plus longues et ardues, ces voies discrètes permettraient d’éviter les regards indiscrets des grandes cités comme Bologne ou Padoue.

Ainsi, Florence, cette ville de lumière et d’ombres, s’évanouissait peu à peu dans le lointain. Elle laissait derrière elle ses intrigues vénéneuses, ses promesses avortées et ses spectres de rancunes. Mais dans un chariot, à l’abri des tumultes, une simple pousse d’arbre, fragile mais prometteuse, incarnait l’espoir d’un nouveau départ. Chacun avait œuvré pour qu’elle prenne racine, symbole discret mais puissant de résilience et de renouveau.