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Ainsi, votre choix est fait : quitter Florence pour Venise. Cependant, les Anciens, par prudence et sagesse, ont délibérément opté pour un itinéraire plus sûr. Plutôt que de longer la côte en traversant des villes comme Rimini et Saint-Marin, ils vous ont dirigés vers l’intérieur, à travers les Apennins toscans, en direction de Bologne. Ce chemin, bien qu’ardu et rallongeant votre périple de plusieurs semaines, avait l’avantage inestimable de vous soustraire aux regards indiscrets et aux tumultes des grandes cités. La route suivrait une vallée reculée, bordée de lacs de montagne aux eaux tranquilles, témoins silencieux de votre passage.

La veille du Nouvel An, une halte bien méritée s’imposa. Vous trouvâtes refuge à l’auberge-relais « La Tana del Lupo », perchée sur le Monte Prinzera. Ce mont solitaire, traversé par la Via Francigena – cette antique voie de pèlerinage reliant Canterbury à Rome – portait en ses sentiers une bénédiction oubliée, écho de temps médiévaux où la foi et la route s’entremêlaient pour protéger les âmes errantes.

L’auberge, modeste dans son offre, n’en était pas moins réconfortante. Ses murs épais retenaient la chaleur précieuse face aux morsures glaciales des nuits montagnardes. Tandis que certains célébraient dignement cette transition d’année dans une allégresse sobre, d’autres préféraient se retirer dans une sérénité empreinte de fatigue. La soirée s’étira jusqu’à tard, jusqu’à ce que les derniers convives, engourdis par le froid et les récits, ne cherchent le répit du sommeil.

C’est alors que ce sommeil vous projeta dans un rêve sombre et oppressant, une vision qui glacerait l’âme la plus vaillante. Devant vous s’étendait une terre dévastée, où le ciel tourbillonnait sous des nuages noirs chargés d’énergie malsaine. Le sol, craquelé et stérile, suintait une moisissure phosphorescente qui s’étirait à l’infini. Une ombre mouvante, presque liquide, semblait vivante, s’étalant inexorablement pour engloutir tout ce qu’elle touchait.

De cette obscurité naquirent des formes grotesques : des cocons fongiques pulsants se déchiraient dans un bruit visqueux, laissant surgir des créatures aux corps décharnés, rongés par des filaments mycéliens. Ces morts-vivants, au regard illuminé d’un vert malveillant, avançaient d’un pas saccadé, exhalant une puanteur de pourriture insoutenable. Partout, des vestiges d’un carnage éparpillaient des silhouettes mutilées, figées dans une expression d’horreur ineffable.

Cependant, au cœur de cette désolation, une lumière se fit. Suspendue dans l’air, une épée transcendante brillait d’un éclat céleste. Une chaleur réconfortante émanait d’elle, comme une promesse de salut dans cet abîme d’épouvante. L’arme, silencieuse et majestueuse, semblait vous appeler. Puis, brusquement, la vision s’effondra, vous abandonnant au vide avant un réveil brutal, le souffle court et le cœur affolé.

Le lendemain matin, les discussions tournèrent presque exclusivement autour de ce rêve étrange. Tous semblaient partager cette même vision, bien que nul n’en comprît la signification exacte. Sous la guidance de Saskia, une conviction commune émergea néanmoins : un grand malheur s’était abattu sur le monde.

L’auberge devint votre refuge pour encore quelques jours, le temps de rassembler les provisions nécessaires à la suite de votre périple hivernal. Mais alors que l’atmosphère pesait d’un pressentiment trouble, un événement inattendu se produisit. Un coursier, vêtu des armoiries de l’Église, fit irruption dans la quiétude relative de l’auberge. Il remit deux missives à Andreas, chacune scellée d’un cachet imposant.

La première missive était un appel solennel :

Ban de l’Ordre de Saint-Michel

En cette nuit glaciale du premier jour de l’an 1500, une malédiction sombre et impitoyable s’est abattue sur l’Europe. Des zones entières ont sombré dans les ténèbres, et les morts eux-mêmes ne reposent plus en paix. Partout, des créatures abominables émergent des tombes et des lieux oubliés, semant la désolation et la terreur.

Turin, autrefois resplendissante, n’est plus qu’un souvenir. Milan lutte désespérément pour contenir l’horreur, et les terres, à l’ouest, au-delà de ses murs ne sont plus que désolation. Cette nuit funeste a coûté la vie à des centaines d’innocents.

Face à cette menace, l’Ordre appelle à l’unité. Nobles, chevaliers, et peuples d’Europe, il est impératif d’ouvrir vos portes aux réfugiés et de faire front commun. Car si nous échouons à nous unir, cette nuit d’effroi deviendra éternelle.

La seconde missive, plus personnelle, s’adressait à la Kumpania :

À tous les marcheurs et anciens de la Kumpania,

Vos avertissements ont sauvé de nombreuses vies. Grâce à vous, certains des lieux maudits ont été identifiés et sécurisés, bien que tardivement. Je sollicite une rencontre en un lieu sûr, loin des intrigues des cités. Ce que j’ai à vous dire ne peut être confié à l’écrit.

Ce message vous servira de sauf-conduit sur toutes les routes. Acceptez, et vous serez sous la protection des Frères de l’Épée.

Alessandro di Michele, Frère de l’Épée

Ainsi, tandis que les ténèbres étendent leur emprise et que les alliances se forgent dans le secret, votre destinée semble inexorablement liée à cette lutte où lumière et ombre s’affrontent. Vous sentez qu’au-delà des routes empruntées, un choix crucial vous attend, porteur d’espoir ou de perdition.